André Truong, inventeur surdoué a mis au point des innovations majeures. Suite à une erreur médicale, celui-ci devient tétraplégique et décède au printemps 2005. Franziska Arnold de VoltaireOnline a rencontré son fils, Eric qui nous présente la Fondation André Truong. Il évoque la vie, l'oeuvre de son père et l'action de la Fondation pour mettre en place des solutions technologiques, notamment pour les jeunes tétraplégiques. VoltaireOnline remercie vivement le Président de la Fondation de nous avoir accordé cette interview.

Quelles sont les inventions majeures de votre père, André Truong ?
Mon père a réalisé en 1961, le premier carbotrimètre français à transistors permettant la datation par carbone 14 et tricium. Ensuite, celui-ci a mis au point notamment la méthodologie permettant la détection d'affections du pancréas par utilisation de la de la cinéscintigraphie numérique, le premier système d'archivage électronique, et naturellement, l'invention du premier Net PC. Le Micral créé par la société R2E en 1974 est devenu le premier micro ordinateur. Mon père était très heureux et fier d'avoir contribué par une de ses inventions à mieux soigner les maladies du pancréas. André Truong fut décoré de la médaille d'or de l'Education Nationale et élevé au grade de Chevalier de la Légion D'Honneur en 1999.

Comment s'est passé l'arrivée de votre père à 14 ans en France ?
Mon grand père paternel avait suivi des études en France et fut le premier élève vietnamien admis à HEC. Très vite, il a compris qu’il fallait que sa famille le rejoigne tant en raison des infrastructures que de la qualité de l’enseignement français. Mon père est donc arrivé avec sa mère, ses 3 frères et ses 2 sœurs en France. Voulant suivre l'exemple de mon grand père, toute notre famille a essayé d’intégrer cette prestigieuse école. Sans grand succès… Quant à mon père, il a préféré préparer son admission à une école d’ingénieurs, l’EFREI, qui était alors la seule école à enseigner l’électronique. L’intégration de mon père fut excellente. Il ne m’a jamais fait part d'avoir été victime de racisme (tout comme le reste de notre famille). La seule chose qui lui manquait, jeune, c’était son chien qui n’a pu venir avec lui quand il a quitté le Vietnam à l'âge de 10 ans.

Quelles écoles a t-il fréquenté, André Truong était-il un élève assidu ?
Mon père n’était pas au Vietnam un élève brillant. Loin de là du reste. Cependant, une fois en France, il a été pensionnaire au Lycée Hoche à Versailles. C’est là qu’il a fait la connaissance d’un surveillant que les élèves surnommaient TDM pour « Tête de mort ». TDM avait la passion de l’électronique et a transmis le virus à mon père. C’était alors l’époque des premiers postes à galène que mon père faisait pour lui et ses amis… Puis, il a été exclu du lycée Hoche, suite à une fête de Noël pendant laquelle avec des camarades, il avait habillé le squelette utilisé pour les cours de sciences naturelles. Il rejoint le lycée Michelet à Vanves et trouve sa voie en intégrant l’EFREI.

Comment se passaient les relations quand vous étiez enfant avec votre père ?
Extraordinairement bien. Je souhaite que tout le monde puisse avoir un père comme le mien… Je ne le voyais certes pas beaucoup au début la création de son entreprise -lR2E- qui lui prenait beaucoup de temps. Cependant, ma mère était très présente . Je passais du reste de nombreux week-ends à son bureau et progressivement notre relation est devenue très "fusionnelle". Après, m'avoir encouragé à créer ma première société, je crois que ma plus belle chance fut de travailler avec lui dans sa dernière entreprise, APCT. Que ce soit au niveau de relations humaines ou professionnelles, cette expérience fut fabuleuse…

Pourquoi avez-vous créé la Fondation André Truong ?
Suite à une erreur médicale à l’hôpital Foch à Suresnes, mon père est devenu tétraplégique sous assistance respiratoire en vingt-quatre heures. Je découvris subitement le monde du handicap. Or, rapidement, bien que mon père ait une soif de vie hors du commun, nous nous sommes aperçus que les spécialistes manquaient cruellement de moyens et que certaines assurances "jouaient la montre" pour retarder de financer ce qui leur incombait. Dans certains cas, une mise en condition psychologique auprès des proches se met en place, concrètement, on ne donne plus d’espoir ni à la famille, ni au patient. Certaines assurances utilisent des artifices juridiques pour retarder le paiement pour des raisons purement économiques ( le dédommagement d’un tétraplégique en vie est supérieure à celui d’un tétraplégique mort…)

Quels espoirs pensez-vous donner avec la Fondation ?
Notre but avec notre fondation, est de croire en la vie, même pour un tétraplégique. Quans je dis nous c’est que bien entendu je ne suis pas seul et je pense notamment à Maître SERGE BEYNET qui me suit dans cette aventure et dont l’une de ses spécialités est l’indemnisation médicale..Mon père est resté en vie deux ans et demi après l’erreur médicale dont il a été victime. Je sais que ces deux années et demi n’auraient pas été possibles sans le soutien de ma mère et le mien. Nous voulons donc avec cette fondation montrer que la vie d’un tétraplégique est possible, c’est l’essence -même de la fondation… Essayer de donner le choix au patient et aux familles.

Quels sont les objectifs de la Fondation ?
L’objectif principal est de montrer que la vie est possible même quand on est tétraplégique. Il s’agit donc dans un premier temps de créer « une maison transitoire » entre l’hôpital et le retour à domicile. Dans la qualité de vie, ces maisons transitoires sont la première étape pour que le patient et sa famille réapprennent à vivre ensemble avec le handicap, à affronter ensemble la maladie… Nous savons que cet objectif ne peut être atteint que si, économiquement, notre projet est moins coûteux à budget comparable que les structures actuelles. Or je sais que le coût de la prise en charge de mon père s’élevait à 1500 €/ jour. Nous pensons que si toutes les assurances jouaient réellement le jeu (et donc finançaient le plus rapidement possible le retour à domicile) cette somme serait réduite, mais cela n’est possible que si des solutions concrètes existent.

Quels sont les facteurs de succès ?
Le succès de notre aventure réside essentiellement dans notre capacité à montrer que la maison transitoire est une solution moins onéreuse que l’hôpital. Enfin, eu égard à la passion de mon père pour les technologies innovantes, nous avons pour objectif de développer des programmes permettant à la technologie d’aider le patient. Mon père avait toujours cette idée : faire en sorte que la technologie facilite la vie des gens. Pour cela, on doit être capable de faire dialoguer ensemble l’ergothérapeute, le réanimateur, les sociétés spécialisées dans l’équipement des maisons et les ingénieurs… Nous souhaitons être grâce à nos maisons transitoires un lieu de test, un lieu de rencontre, car nous savons que pour atteindre nos objectifs, il nous faudra travailler et innover tous ensemble…